Un livre qui sent la frite... et le vitriol !
Ce n'est pas parce que le narrateur a un frère reconverti dans la baraque à frites que le roman de Julie Douard a la gentillesse bonasse de "Bienvenue chez les Ch'ti". L'auteur trempe sa plume dans le vitriol pas dans la végétaline !
Le personnage principal, que nous suivons de sa naissance à ses seize ans, se traîne une famille calamiteuse : un père falot, une mère dépressive, une soeur Philomène violente et caractérielle et un frère Georges aussi mou moralement que physiquement. Il sort du lot, l'explication est peut-être dans le fait que son véritable géniteur soit l'ancien patron de sa mère. L'auteur nous présente ce "background" avec un détachement presque clinique, qui finit par perturber le lecteur. Les personnages sont épinglés comme des papillons sur le tableau de chasse d'un entomologiste, observés avec beaucoup d'attention mais peu d'empathie. C'est un roman cruel et parfois totalement hilarant. Notre jeune héros subit au lycée les assauts d'un prof de théâtre qui souffre du retour d'âge et le portrait de cette nymphomane à l'imagination débridée est une merveille de vacherie. Autre portrait particulièrement remarquable, celui de l'amant de Philomène qui disjoncte complètement et dont la folie est assez jubilatoire.
Au final, le héros s'en sort plutôt bien, petit Roméo au coeur tendre dans un univers pas folichon... Lire Julie Douard est revigorant, décapant... Son roman est un courant d'air glacé, une bise coupante qui réveille le lecteur un peu assommé par une rentrée littéraire très (trop) copieuse.