Plus vraie que nature
Je me targue d'une certaine connaissance des ados filles : je croise de nombreux spécimens sur mon lieu de travail et d'observation : le collège, et j'ai le bonheur de pouvoir continuer à exercer mes talents d'ethnologue à la maison avec Demoiselle Aînée (15 ans) et Demoiselle Cadette (bientôt 13 ans)
Lorsque Silvana des éditions Michel Lafon m'a proposé ce journal, j'ai accepté déjà séduite par l'objet en lui-même. Le livre a la forme d'un journal intime avec un élastique argenté pour pouvoir le refermer. Les paillettes sont très présentes : sur la robe, sur la trousse, sur les cadres et sur les chaussettes. Sur les chaussettes, me direz-vous, c'est too much ! C'est que vous ne mesurez pas l'importance de la paillette chez les ados. Pour celles dont les filles sont encore petites, briefing rapide : c'est une période assez courte mais galère au niveau ménage : les paillettes : ça se décolle, ça se glisse dans tous les recoins et ça décore même parfois le pelage des animaux....
La narration se présente sous la forme classique du journal intime et s'étale de septembre à décembre. Aurélie Laflamme confie tous ses drames, grands et petits, à son confident de papier, et l'adulte impitoyable que je suis n'a pu s'empêcher de glousser à de multiples reprises tant India Desjardins semble connaître la psychologie infiniment complexe des ados de 14 ans. Le collège est très présent et les profs passés à la moulinette, la mère d'Aurélie est elle aussi une invitée quasi permanente du journal et nous en venons à tout connaître de son obsession pour la propreté. Cette femme ose demander à Aurélie de ranger ses affaires qui traînent dans les endroits les plus incongrus et pousse le vice jusqu'à lui demander de faire la vaisselle. Nous ne sommes pas loin d'un cas d'esclavage domestique. Il est aussi beaucoup question d'amour : Aurélie et Kat sa meilleure amie sont passées du stade 1 : j'idolâtre Robert Pattison et j'embrasse son poster au stade 2 : je veux expérimenter le premier bisou dans la vraie vie. Kat est la première à se dénicher l'oiseau rare tandis que notre héroïne, fragilisée par le décès de son père, hésite à se lancer dans une relation par peur de souffrir. En même temps, Nicolas ne manque pas de charme et il sent bon l'assouplissant, de quoi revoir sa théorie arrêtée sur les ados mâles : "les garçons m'énervent grave!" De plus la lecture assidue des magazines pour ados filles la conforte dans l'idée que l'heure a sonné du premier baiser, si elle ne veut pas "être grave retardée !"
Le trait bien sûr est un peu forcé pour faire rire le lecteur mais de nombreuses pages sont d'une grande justesse et témoignent surtout d'une réelle tendresse pour le personnage d'Aurélie. Ce n'est pas facile d'avoir 14 ans, d'être à la fois encore enfant et déjà femme. L'auteur nous le rappelle avec bonne humeur mais aussi beaucoup d'humanité.
Ce roman, jubilatoire, m'a rappelé la série LOU de Julien Neel (à lire absolument, si ce n'est déjà fait !)