Le testament caché de Sébastien Barry
Ma lecture a été laborieuse, très laborieuse et pourtant certaines pages sont absolument magnifiques et resteront gravées dans ma mémoire.
Je ne saurais expliquer pourquoi je suis restée en dehors de ce récit car le personnage principal Roseanne est vraiment attachant. Nous la découvrons, âgée de 100 ans, dans un asile situé à Roscommon, petite localité irlandaise. Le lieu, vétuste, est voué à la démolition et le psychiatre, chargé de l'établissement, doit évaluer les malades pour savoir quels sont ceux qui sont susceptibles de retrouver leur place au sein de la communauté. Cette démarche a pour but avoué de "remettre en liberté " des patients victimes d'internement abusif. En réalité, le nouvel hôpital peut accueillir beaucoup moins de malades, il s'agit donc de ne garder que les "plus atteints".
A cette occasion, il va se pencher sur le cas de Roseanne, la doyenne, et tenter de comprendre les raisons de son internement plus de soixante ans auparavant. Le roman est formé des écrits de la vieille dame, qui veut coucher sur le papier sa version des faits et du carnet de notes du docteur Grene, le psychiatre en chef. Sebastien Barry fait se succéder ces deux points de vue : l'un et l'autre ont pour objectif de rendre compte du passé, de reconstituer l'existence de cette femme dont la vie fut jalonnée d'épreuves.
La vérité est bien difficile à obtenir entre les souvenirs de Roseanne qui dit elle-même ne plus pouvoir se fier à sa mémoire et les recherches du docteur qui s'appuient surtout sur le témoignage écrit du père Gaunt, un homme d'église dont les agissements et les motivations restent difficiles à comprendre.
A travers ces retours dans le passé, le lecteur découvre le quotidien d'une bourgade, Sligo, entre la première et la seconde guerre mondiale. Roseanne, comme avant elle sa mère, y étouffe et n'arrive qu'imparfaitement à se glisser dans le moule convenu de la parfaite petite Irlandaise. C'est peut-être cette différence qui amènera à son internement, à son éloignement du "troupeau" comme si celui-ci craignait la contagion.
D'ailleurs les passages qui m'ont atteint au coeur sont ceux où s'expriment cette soif de liberté, ce besoin viscéral de s'écarter de la norme dans ce qu'elle a de plus sclérosant.
Au final, ce livre me laisse perplexe : le style m'a parfois rebutée à l'exception de quelques pages d'une extraordinaire poésie et la fin surtout m'a semblé invraisemblable.
Le personnage de Roseanne est tout de même très fort et mérite à lui seul que ce roman soit lu, pour avoir le plaisir de parcourir son "testament caché".