La pluie, avant qu'elle tombe
"Elle fut un peu réconfortée par la vue d'une cafetière à côté de laquelle attendait, encore sous vide, un paquet de café colombien fraîchement moulu. Elle l'ouvrit aussitôt, s'en prépara une dose généreuse et, avant même d'en avoir savouré les premières gorgées, se sentit ragaillardie par les gargouillis conviviaux, et les vapeurs capiteuses, aux senteurs de noix, qui emplirent la cuisine d'une chaleur aromatique."
Je n'ai pas choisi cet extrait par hasard, il assure la transition avec le mini swap café ! De manière moins anecdotique, Jonathan Coe ne se contente pas d'évoquer le "noir breuvage" que nous chérissons. Il construit une histoire à rebours où Rosemond, une femme âgée, retrace son existence à partir de vingt photos qu'elle a sélectionnées. Cette histoire est destinée à Imogen, sa petite nièce, afin que celle-ci comprenne mieux l'enchaînement de circonstances qui a conduit à sa naissance. En effet, Rosemond se fait surtout la narratrice d'un destin autre que le sien : celui de Béatrix, la grand-mère d'Imogen . Ce personnage, à la fois fascinant et rebutant aura exercé toute sa vie une influence déterminante sur la vie de Rosemond, cantonnée dans le rôle de faire-valoir ou de nourrice.
Le procédé narratif peut sembler répétitif : le personnage enregistre sur cassette la description de chacun des clichés. Moi, j'ai apprécié de découvrir peu à peu, pan par pan le passé de Rosemond et surtout celui de trois femmes liées par le sang : Ivy, mère de Béatrix, Béatrix, mère de Théa, Théa, mère d'Imogen. La narratrice s'interroge sur la filiation, sur le caractère inéluctable de certains schémas qui se reproduisent de génération en génération, sur la notion de maternité, autant de thèmes sensibles qui m'ont touchée.
Je ne vous livrerai pas le secret du titre, il se révèlera à vous lors d'une scène que je garderai longtemps en mémoire...