un roman inoubliable...
Il est rare qu'une lecture me bouleverse autant, me poursuive même quelques jours après avoir refermé le livre la dernière page tournée. Je crois que je n'avais pas envie de quitter Aibileen, Minny et Miss Phelan, de les abandonner à leur sort sans savoir ce que l'avenir allait leur réserver. Bien sûr, il s'agit "d'êtres d'encre et de papier" mais Kathryb Stockett, par la puissance de son histoire, leur a donné plus qu'une vie, un destin.
Nous sommes à Jackson, Mississippi, en 1963. Selon le maire, la ville est un petit Paradis où chacun a sa place, les Blancs d'un côté, les Noirs de l'autre. Les lois raciales ne sont pas remises en question, elles constituent même le fondement de cette micro-société malgré leur caractère totalement absurde. Pourtant, la graine de la révolte est semée par Miss Hilly, présidente de La Ligue, dictateur en jupon et langue de vipère. Elle tient sous son joug les jeunes femmes blanches de Jackson et milite pour qu'une loi soit votée afin que les bonnes noires aient des toilettes indépendantes dans la maison de leur employeur. Selon elle, une trop grande promiscuité pourrait entraîner des maladies. Cette loi, cette petite graine, va pousser Skeeter Phelan, pourtant une amie très proche de Miss Hilly, à agir. Elle en vient à se demander quel est le point de vue des bonnes sur cette question. Ce questionnement est déjà en soi une extraordinaire avancée. Jamais peut-être auparavant, elle n'avait envisagé que les employées de couleur puissent posséder une opinion. Une fois mis le doigt dans l'engrenage, elle va "apprivoiser" petit à petit Aibileen, la bonne de son amie Elizabeth puis d'autres bonnes et l'idée d'un livre de témoignages va naître. Dans ce livre, les femmes noires pourront livrer leur version des faits, l'envers du décor. Un peu comme Candide, Skeeter découvre que la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle l'imaginait, que la relation entre une femme blanche et sa bonne noire n'est pas forcément calamiteuse, qu'il y a des moments de complicité mais aussi des moments de cruauté absolue.
Cette formidable fiction nous montre des femmes qui s'émancipent aussi bien Miss Phelan d'ailleurs que les employées noires. Elle nous montre des femmes déterminées qui risquent leur vie (le Ku-Klux-Klan est une menace permanente) pour apporter leur pierre à l'édifice que Martin Luther King est en train de bâtir.
Je vote pour que ce roman figure au programme de la nouvelle option en Seconde Générale :"Littérature et Société". Puisse-t-il bouleverser et faire réfléchir nos futurs citoyens sur les lois qui doivent permettre de mieux vivre ensemble...