L'hiver indien de Frédéric Roux

Publié le par Armande



             Enorme coup de coeur pour une odyssée lamentable et magnifique
   Frédéric Roux a dû être indien dans une autre vie pour raconter avec un tel talent et une telle empathie l'aventure vécue par six membres de la tribu Makah, parquée dans une réserve au bord du Pacifique.
   Tout démarre par la sortie de prison de Stud Gorch pour lequel trois années à l'ombre ont permis un sevrage alcoolique et une "réflexion" (le terme est peut-être un peu fort pour une idée fixe !) sur la perte de valeurs et de fierté de son peuple. Son idée pour redonner aux siens la gloire d'antan : redevenir chasseur de baleines ! Il va entraîner dans son sillage son frère Percy, que certains appellent Shadow car il suit son grand frère comme une ombre. A eux deux, ils ne constituent pas l'équipage d'un canoë : ils vont donc "recruter" des sportifs de haut niveau pour aller affronter le "monstre" marin : Howard Sykes, vieil homme imbibé de whisky et amateur d'aphorismes, son fils Dale, Greg Bishop, géant amateur de petites filles et sculpteur à la tronçonneuse de portraits d'Elvis (de préférence sur des arbres appartenant à la municipalité des villes où il séjourne) et Chris Klookshood, escroc et obsédé sexuel qu'une hépatite sévère incite à rejoindre le groupe et à retourner avec eux à la réserve.
   Cette équipe de bras cassés va tenter de faire revivre les belles heures de la nation indienne mais c'est sans compter les écologistes, la pression des médias qui flairent la belle histoire qui peut (et ce serait encore mieux) se terminer en fait divers sordide. L'auteur nous décrit cette épopée pathétique avec beaucoup d'humour et des remarques féroces sur notre société contemporaine et ses paradoxes. Par instant, j'ai pensé à un autre écrivain que j'apprécie : Carl Hiaasen qui décrit, lui aussi, des loosers magnifiques.
   L'entreprise paraît, dès le début, vouée à l'échec mais elle permet, un temps, à ces hommes de renouer avec le rêve, l'espoir, et de retrouver pendant les séances de préparation le plaisir d'être ensemble autour d'un projet commun .
"Pour chacun d'entre eux, même pour Howard qui était beaucoup plus vieux qu'ils ne l'étaient, même pour ceux qui avaient oublié ce temps-là ou qui ne voulaient pas s'en souvenir, cette affaire avait le goût de l'enfance, des histoires que l'on se raconte la nuit pour se faire peur, la tête sous les draps, des monstres qui dorment sous le lit, des courses dans la forêt à en perdre le souffle".
   Ces hommes redeviennent des enfants, persuadés que tout est possible et c'est peut-être cet état d'esprit, nouveau pour eux, qui explique les dernières pages, qui m'ont littéralement soufflée...
Merci à Suzanne de "Chezles filles" pour cette lecture qui restera dans ma mémoire.

Publié dans romans d'exception

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