Jean de La Fontaine : un de mes fidèles compagnons de route

Publié le par Armande

   Lorsque Ulike m'a fait part de son concours  sur Jean de La Fontaine, j'ai immédiatement décidé d'y participer tant ce poète occupe une place importante dans mon "Panthéon" personnel. Déjà, à l'école primaire, moi qui détestais apprendre par coeur des récitations, je faisais une exception pour les fables de ce "cher" homme" tant les histoires qu'il contait me plaisaient. Ah, le Corbeau et le Renard ou le Loup et l'Agneau ! Plus tard, au collège, j'ai découvert que derrière les animaux décrits se cachaient des hommes et mon admiration pour l'écrivain a encore grandi. Maintenant, je consacre chaque année une séquence de plusieurs semaines à l'étude de ses fables avec mes élèves. Oserai-je l'avouer, lire à voix haute ces textes, prendre la voix des différents personnages est un vrai régal. J'adore entendre les élèves adopter le ton mielleux du renard, l'autorité teintée de suffisance du lion ou le mépris de l'industrieuse fourmi face à l'insouciante cigale. Bien sûr, le vocabulaire nécessite d'être expliqué aux adolescents mais une fois cette étape franchie, quelle jubilation à jouer, à interpréter les textes de La Fontaine.
   La fable que je préfère est Les animaux malades de la Peste, découverte en Troisième. A cette occasion, j'ai pris conscience de l'universalité de certains écrits et de leur caractère intemporel. Chacun reconnaîtra derrière le Lion, le Renard ou l'Ane des personnes qui font la une des actualités. Ce texte dresse un constat assez accablant de la société et je partage cette vision pessimiste. J'appartiens à l'espèce qui se dépêche de rire des événements plutôt que d'en pleurer et La Fontaine est une sorte de modèle pour moi.
   Au delà du contenu même de la fable, elle est écrite avec une économie de moyens exceptionnelle : chaque mot est juste, chaque mot frappe et il est logique que certains vers soient passés dans le langage comme proverbes.
   Ce texte est un bonheur de lecture et un joyau d'intelligence... Avec La Fontaine, il est possible de crier "Haro sur les hypocrites qui  s'énivrent de pouvoir tout en singeant les vertueux" !
Redécouvrez  les Fables de la Fontaine...

 

Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

 

 

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