Flaubert est un blaireau d'Alain Chopin
Coïncidence amusante, l'auteur est des Côtes d'Armor et a effectué sa scolarité au collège Saint-Joseph de Lannion, ville où je "sévis" en tant que professeur. Le livre-témoignage d'Alain Chopin m'a intéressée à plus d'un titre. Il évoque en de très courts chapitres les élèves qui l'ont marqué pendant sa carrière. Ces portraits, juste esquissés, nous font parfois sourire, parfois rire, parfois rire jaune quand l'enseignant ne parvient pas à nouer de relations avec un adolescent et se trouve dans une impasse qui se solde souvent par une sanction, voire un renvoi.
Alain Chopin a enseigné en lycée professionnel dans le Nord de la France mais les élèves qu'il décrit ressemblent beaucoup à nos collégiens en classe de Troisième. L'homme a visiblement toujours eu à coeur de considérer les adolescents comme des individus à part entière et pas seulement des "apprenants" pour employer le vocabulaire technique des IUFM.
Il a su se défaire des cours carcans préparés minutieusement avant d'aller affronter une classe : un texte bardé de commentaires, de questionnaires et une parole confisquée par le "maître", ce qui permet d'éviter toute remarque intempestive de la part des éléments jugés perturbateurs. Il prend le risque de laisser parler les élèves face aux oeuvres, il met en place un dispositif souple pour que leurs interventions prennent place dans l'heure de cours, voire fassent avancer le cours.
Depuis quelques années, c'est aussi la démarche qui est la mienne mais elle suppose du répondant, de l'expérience et d'être capable de récupérer une classe qui, pardonnez l'expression, part en vrille. Elle suppose un amour de sa matière, un sens du contact, une volonté permanente d'innover et tous les enseignants ne sont pas prêts, n'osent pas tenter cette approche. Certains pensent même qu'elle n'est pas appropriée et ne correspond pas à l'essence de notre métier. Je ne leur jetterai pas la pierre, chacun fait avec sa personnalité. Ce métier est devenu trop difficile pour porter des jugements péromptoires sur la manière d'enseigner des collègues.
La posface démarre par cette phrase " C'est une rencontre... Avec de jeunes garçons et filles." Je suis d'accord, chaque rentrée est placée sous le signe de la nouveauté et il faut qu'il y ait vraiment rencontre, c'est à dire des liens qui se créent pour que naisse la possibilité de travailler ensemble ou comme Alain Chopin le dit très bien : "privilégier plutôt la relation, l'échange, favoriser l'émergence du sens, en direct, dans le cadre de la classe, penser ensemble, le professeur et ses élèves, pour que la curiosité des uns et des autres puisse se manifester, pour que l'ennui dont souffrent tant de nos élèves s'efface un peu, au profit du plaisir de chercher, de trouver avec les autres, de se découvrir intelligents ensemble."
Se découvrir intelligents ensemble, c'est beau non ?