"Affirmer ma volonté, avec constance et opiniâtreté"
Carla Del Ponte a eu la lourde charge de présider deux tribunaux pénaux internationaux, le premier concernant l'ex-Yougoslavie, le deuxième le Rwanda. Elle raconte avec une certaine amertume son parcours et surtout l'incroyable résistance du "muro di gomma", du mur en caoutchouc que les membres de différents gouvernements et de nombreux diplomates lui ont opposé.
" Lorsque vous adressez une requête ou une demande délicate à des gens puissants, il arrive très souvent que vos propres paroles vous reviennent, comme si elles avaient rebondi sur un mur de caoutchouc. Vous avez l'impression d'entendre ce que vous aviez envie d'entendre. Vous pouvez même avoir le sentiment que votre initiative a enfin débouché sur du concret".
Inlassablement, elle se documente sur l'histoire des pays mis sur la sellette. Elle et son équipe ne s'arrêtent pas aux apparences, aux impressions mais essaient vraiment de déterminer les responsabilités de chacun dans les génocides perpétrés . Mais, une fois défini le rôle de chacun, elle se heurte à de nombreux obstacles : le peu de volonté de revenir sur le passé et de juger les coupables redevenus entre temps "d'honnêtes citoyens" ou la difficulté de faire extrader de "gros" bonnets ou des "leaders" restés charismatiques et aimés dans leur pays d'origine malgré le sang qu'ils ont sur les mains.
C'est alors qu'elle se rappelle son enfance et les conseils de sa mère, à qui elle dédie ce livre "per mia madre, Angela". C'est dans son éducation qu'elle puise la force d'affronter les "puissants" et de faire entendre la voix de la justice.
"Elle me disait que si un jour je devais me battre, tant que j'étais sûre d'être dans le vrai et fidèle à moi-même, elle me soutiendrait. Elle m'a souvent répété cela. Au fil des ans, le simple souvenir de ces paroles m'a donné beaucoup de force".
Et de la force, Carla Del Ponte en a eu besoin pour supporter les pressions multiples qu'elle a subies. Mais son idéal la transcendait, je crois, de même que la volonté que les déchaînements de violence, qui font parfois douter que certains hommes aient une âme, ne restent pas impunis.
Au final, le constat qu'elle dresse s'efforce d'être positif. Les tribunaux pénaux internationaux ont vu le jour et jouent leur rôle, même si ils ne disposent pas d'un pouvoir suffisant pour contraindre les gouvernement à coopérer pleinement.
Elle s'est efforcée de traquer les génocidaires comme elle chassait les serpents quand elle était enfant. Il n'empêche qu'après la lecture de cette autobiographie, mon humeur était plutôt sombre, mon pessimisme naturel avait repris le dessus. La barbarie couve dans toutes les société, à nous citoyens, d'être vigilants...