La fille perdue de D.H Lawrence
La création de ce blog en juillet 2008 est née d'une envie de partager mes lectures et de découvrir des auteurs vers lesquels ma culture et mes goûts ne me portaient pas spontanément. Ce roman en est un bel exemple. J'avais associé D.H Lawrence à "L'amant de Lady Chatterley" (que je n'ai même pas lu d'ailleurs ! Honte sur moi...) et je n'avais pas considéré que son oeuvre puisse être aussi riche et son analyse de la société anglaise aussi mordante.
Pourtant, le premier contact avec "la fille perdue" ne s'est pas passé sous les meilleurs auspices. Je ne peux plus voir de jeune fille en robe romantique en bord de mer ou au sommet d'une colline sans éprouver un rejet quasi-immédiat (je sais, je fais de l'anti-impressionnisme primaire mais j'assume.)
Les premières pages m'ont immédiatement réconciliée avec ce roman. L'auteur dépeint avec justesse et un soupçon de cruauté un petite ville minière, Woodhouse, avec sa bourgeoisie étriquée et ses ouvriers éreintés par le travail. Les premiers chapitres sont consacrés à James Houghton, le père d'Alvina, notre héroïne. C'est un commerçant aisé mais qui ira à sa perte par goût pour les entreprises hasardeuses. Vendre des vêtements ordinaires ne le satisfait pas, il lui faut du flamboyant, de l'original ! Evidemment, les autochtones n'achèteront pas ce genre de modèles. La vitrine du magasin deviendra juste l'attraction du vendredi soir. Ce premier défi ne le découragera pas puisqu'il finira comme propriétaire d'une salle de spectacle.
Ce gène du changement, il le transmettra à Alvina qui ne saura jamais exactement où se trouve sa place dans cette société anglaise d'avant la Première Guerre Mondiale. Elle aurait pu tenir son rang et épouser un homme de même catégorie sociale : elle refusera au moins trois propositions sérieuses, se sentant incapable de n'être que la "femme de...". Elle aurait pu être une femme active. Au grand dam de sa famille, Alvina ira à l'école d'infirmière et sortira avec un diplôme lui permettant d'exercer la profession de sage-femme. Elle exercera d'ailleurs dans un hôpital, mais sur un laps de temps relativement court. Le lecteur sent que la jeune femme n'est pas prête à n'exister que par le travail (Nous n'en sommes pas encore à notre époque de "working girls"!)
Alvina finira par tomber amoureuse de Ciccio, un jeune saltimbanque italien que tout devrait éloigner d'elle : sa classe sociale, son statut d'étranger, son manque de culture. Mais D.H Lawrence montre avec talent la mécanique du désir qui n'obéit à aucune règle. Il ne semble pas fait pour elle mais elle l'aime et le suivra dans son lointain village des Abruzzes.
Alvina est "une fille perdue" aux yeux de la bourgeoisie de sa ville d'origine. Elle est surtout tiraillée entre des aspirations diverses : se marier en écoutant sa raison plutôt que son coeur, être une femme indépendante mais renoncer à être une épouse, succomber à son attirance pour l'inconnu ou se réfugier dans la routine rassurante de Woodhouse.
L'auteur nous livre dans ce roman un magnifique portrait de femme tout de nuance et de finesse.
Merci à la super équipe du Blog-o-book de m'avoir proposé ce livre !