La dame en blanc : mon "Everest" littéraire !
Je l'ai terminée ! Je compare ma lecture à la montée d'un prestigieux sommet car l'aventure est comparable en bien de points...
Déjà rien que d'avoir parcouru la quatrième de couverture, j'étais prévenue qu'un chef-d'oeuvre m'attendait : " Le meilleur roman policier de langue anglaise" (T.S.Eliot), "Un roman labyrinthe haletant, empreint d'une inquiétude permanente... Un écrivain génial" (Alexie Lorca) et qu'il fallait que je sois à la hauteur de l'événement ! Je ne m'emparai pas d'un piolet mais d'une tasse de café, direction ma couette et on allait voir ce qu'on allait voir : hyper concentrée, je me lançai dans les premières lignes...
" Les derniers jours de juillet s'effeuillaient. L'été touchait à sa fin. Pèlerins fatigués d'arpenter le pavé londonien, nous commencions à rêver avec envie aux nuages jetant de larges ombres sur les champs de blé et aux brises d'automne rafraîchissant les rivages."
D'emblée, le style m'apparut comme irréprochable mais très rapidement un ennui sournois s'empara de moi. J'étais totalement imperméable aux amours de Walter Hartright et de la douce Laura Fairlie. Pire, la dite demoiselle éveillait en moi un agacement certain. Le principe même de la narration (l'histoire est racontée de façon souvent linéaire mais en alternant les points de vue suivant les chapitres .) nous oblige à découvrir la jeune fille à travers le regard de Walter, son futur "chevalier blanc". Il la dépeint donc comme la merveille des merveilles.
"une silhouette claire, vêtue d'une simple robe de mousseline blanche, rehaussée de lacets bleus et blancs. Une écharpe de même tissu ondule gracieusement sur ses épaules et un petit chapeau de paille naturelle, garni de rubans assortis à sa robe, ombre le dessus de son visage (...) Des yeux à la nuance merveilleuse, à la forme exquise, tendres et doucement pensifs, mais beaux surtout par leur limpidité profonde"
Ce petit côté agneau pascal, voué aux sacrifices, sera présent tout au long du roman et me fera grincer des dents à de nombreuses reprises.
Armande serait-elle totalement insensible, direz-vous ? Il faut le croire car même sa soeur Miss Halcombe, ne suscita en moi aucune empathie. Pourtant, la Nature, ne l'ayant pas dotée de la Beauté l'avait largement pourvue en Intelligence ! Ce qui aurait dû me satisfaire... mais d'abord pourquoi, la malheureuse n'aurait-elle pas le droit aux deux ?Pour ne pas faire de l'ombre à Laura, bien sûr ! Le rôle de l'amoureuse et de la mère heureuse pour Laura, le rôle de la soeur dévoué et de la tantine adorée pour Marian ! Re-grincement de dents !
J'étais sur le point d'abandonner ma lecture,cet "Everest littéraire" n'était pour moi quand... surgit celui qui allait me faire aimer ce roman , le diabolique comte Fosco ! Merci Wilkie Collins d'avoir imaginé cet improbable Don Juan, ce flamboyant escroc! Et oui "shame on me", j'allais aimer "la dame en blanc" grâce au méchant de l'histoire.Je ne parle pas de Percival Glyde, le mari de Laura, brute sanguinaire et piètre comédien mais du protéiforme Fosco, inclassable et fascinant. D'ailleurs Marian, dans son journal avoue, presque malgré elle son "attirance" pour lui.
"En deux mots, il semble bien être de ces hommes capables d'apprivoiser n'importe qui; s'il avait épousé une lionne au lieu d'une femme, il l'aurait domptée (...)
Les moindres caractéristiques, chez lui, ont quelque chose de fortement original et, en même temps, d'étrangement contradictoire. Par exemple, malgré sa corpulence, il est d'une vivacité et d'une agilité surprenantes; ses gestes pourraint rivaliser de discrétion avec ceux d'une femme et, malgré la puissance qui se dégage de toute sa personne, il possède, comme nous autres femmes, une sensibilité à fleur de peau."
Comme chacun sait, le comte Fosco va précipiter la mort d'Anne Cathericks, dépouiller Laura de son identité et de sa fortune,faire preuve dans ses agissement du cynisme le plus absolu . Pourtant, à la fin du récit sa mort, plus que méritée (Je dois quand même y consentir) va me chagriner.
"Il était là, inconnu, sans identité, exposé à la curiosité malsaine de la foule française ! C'était la fin terrible d'une vie tissée de duplicité et de forfaits. Dans le repos sublime de la mort, son visage ferme et massif avait acquis une telle dignité que ma voisine ne put s'empêcher de lever les mains et d'exprimer son admiration en frissonnant : "Oh ! Quel bel homme !""
Je terminerai moi cet article, au sommet de mon "Everest littéraire", en exprimant mon admiration pour l'auteur (Je n'irais pas jusqu'à frissonner comme le personnage ci-dessus. Je ne serais plus crédible!) et en m'exclamant: "Quel excellent portraitiste !"