La scaphandre et le papillon de Jean-Dominique Bauby
Merci à Marie de m'avoir fait découvrir ce livre qu'elle décrit comme "court mais poignant".
Je l'ai lu la nuit dernière, un peu par hasard. Je ne dormais pas, comme souvent. J'ai regardé au pied de mon lit ma PAL chancelante et la tranche de ce livre ne m'a pas paru trop épaisse. J'en ai conclu qu'il allait m'occuper au moins une petite heure. Cette "petite" heure en compagnie de J.D Bauby aura été riche en émotions. Je connaissais comme tout le monde son histoire, celle du rédacteur en âge de Elle, foudroyé à 44 ans par un accident cardiovasculaire et condamné à vivre emmuré dans son corps, inerte, paralysé, à l'exception d'un oeil encore mobile. Je n'avais pas acheté le livre, toujours méfiante devant le battage médiatique fait autour de certains récits qui racontent la vie de personnalités connues. C'était un tort car c'est un témoignage fort de quelqu'un qui vit le pire et reste digne, évoquant avec réalisme mais pudeur ce qu'il endure chaque jour.
Le lecteur comprend aussi le pouvoir de l'imagination, capable de transporter le malade loin de son lit d'hôpital : "Le scaphandre devient moins oppressant, et l'esprit peut vagabonder comme un papillon. Il y tant à faire. On peut s'envoler dans l'espace et dans le temps, partir pour la terre de Feu ou la cour du roi Midas.
On peut rendre visite à la femme aimée, se glisser près d'elle et caresser son visage encore endormi. On peut bâtir des châteaux en Espagne, conquérir la Toison d'or, découvrir l'Atlantide, réaliser ses rêves d'enfant et ses songes d'adulte."
Il parvient même, lui qui ne peut plus se nourrir qu'à l'aide d'une sonde, à se concocter des repas imaginaires : "Pour le plaisir, j'ai recours à la mémoire vive des goûts et des odeurs, un inépuisable réservoir de sensations. Il y avait l'art d'accommoder les restes. Je cultive celui de mitonner les souvenirs. On peut se mettre à table à n'importe quelle heure, sans façon."
Mais les rêveries ne peuvent pas toujours placer au second plan un quotidien terrible : "Ce matin le jour est à peine levé qu'un méchant sort s'acharne sur la chambre 119. Depuis une demi-heure l'alarme de l'appareil qui sert à réguler mon alimentation s'est mise à sonner dans le vide. Je ne connais rien d'aussi stupide et désespérant que ce bip bip lancinant qui ronge le cerveau. En prime, la transpiration a décollé le sparadrap qui ferme ma paupière droite, et les cils englués me chatouillent douloureusement la pupille. Enfin, pour couronner le tout, l'embout de ma sonde urinaire s'est déboité. Je me suis complètement inondé."
Le fait cependant de transcrire ses expériences pénibles semblent lui permettre de les mettre à distance et d'être capable pour un moment de les transcender.
Le dernier chapitre sonne cependant comme un adieu, les dernières phrases sont fortes : "Y a-t-il dans ce cosmos des clefs pour déverrouiller mon scaphandre ? Une ligne de métro sans terminus ? Une monnaie assez forte pour racheter ma liberté ? Il faut chercher autre part . J'y vais."
Mes pensées vous accompagnent, Monsieur Bauby, dans ce voyage où vous serez aussi libre de vos mouvements qu'un papillon.