Chicago May de Nuala O'Faolain
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En revanche, les descriptions que l'auteur peut faire des prostituées sont aussi poignantes que révoltantes. Le lecteur oscille entre la nausée et la colère : nausée quand il constate la dégradation des corps et des esprits, colère quand il remarque avec amertume l'indifférence de la bonne société de l'époque face à ce phénomène.
Plus que Chicago May, c'est Nuala O'Faolain que j'ai cherchée tout au long du livre. Ses réflexions au début du roman sur l'attirance du biographe pour son sujet et la difficulté de rester sur le fil entre la reconstitution fidèle d'une existence (par essence impossible) et l'inévitable implication du biographe qui va imprimer , même sans le vouloir, son jugement sur les agissements de la personne qu'il veut faire revivre, m'ont beaucoup intéressée. Ce livre, en fait, m'a donné envie de découvrir l'auteur à travers d'autres de ses romans.
"J'étais troublée de commencer à m'intéresser autant à May avant d'avoir la moindre information de première main à son sujet, puisque je n'avais pas encore lu son livre. Déjà, quelque chose en moi essayait de m'enrôler. Quelque chose qui tenait plus de l'impulsion que de la raison m'incitait à prendre sa défense, à rouvrir le dossier la concernant, à faire réexaminer son cas. la plupart des êtres humains n'avaient jamais fait l'objet d'une étude détaillée. Mais si l'on ne pouvait plus rien pour eux, il se trouvait que May, elle, avait vécu à une époque où un large public savait lire et écrire - un public qui voulait éprouver un frisson par procuration, grâce au crime comme les publics l'ont toujours fait.(...)
Si je devais refaire le récit de sa vie, j'aurais plusieurs avantages naturels. J'étais irlandaise, comme elle. J'étais une femme, et une femme qui, comme elle, n'avait jamais été mère. Que nous ayons toutes deux écrit nos autobiographies était sans nul doute dû à cela - au fait que nous n'avions pas accompli le travail de mère, ou que nous ne nous étions aucunement appliquées à ce que l'Eglise catholique de son enfance et de la mienne considère comme "les devoirs de notre passage dans cette vie".
Et nous avons toutes les deux vu l'Amérique comme un lieu de métamorphose. Elle s'y rendit quand elle était jeune; j'y étais allée en visite de temps en temps dans l'espoir d'opérer un changement sur moi-même et, maintenant, il se trouvait que j'y avais de forts liens. Les biographes orthodoxes ne parlent jamais des raisons personnelles qui les poussent à s'embarquer dans tel ou tel travail. Ils se présentent comme de purs esprits. Mais moi, j'attachais de l'importance au fait que May avait passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis, que son livre se trouvait dans une bibliothèque de New-york et j'avais fait de nombreux sauts à Brooklyn ces dernières années pour séjourner auprès d'un ami et de sa fillette. Maintes et maintes fois j'avais failli m'engager vis-à-vis d'eux, avant de reculer et de revenir en Irlande. Si je suivais May, je serais là où je devais être - là où se trouvait la question sans réponse de ma vie".
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