La vie en sourdine de David Lodge
Il est des lectures dont on sort éprouvée, ce roman de David Lodge en fait partie. En inconditionnelle de l'auteur, j'attendais de lui le cocktail habituel d'ironie et de critique acérée du milieu universitaire. Le héros est bien un professeur de linguistique mais à la retraite et, il peine à occuper ses journées. Il souffre aussi d'une surdité de plus en plus prononcée qui l'isole des autres et qui , si elle donne parfois lieu à des malentendus comiques ,est le plus souvent génératrice de malaise pour le personnage. Le titre anglais Deaf Sentence (jeu de mots avec Death Sentence) donne d'ailleurs une meilleure idée des affres dans lesquelles se trouve Desmond.
Notre homme a donc un peu plus de soixante ans et doit s'occuper de son père, atteint de démence sénile. Reconnaître que celui-ci n'a plus sa tête, tenter de le convaincre de déménager dans un foyer-logement, maintenir coûte que coûte une relation affectueuse et respectueuse avec lui : c'est un peu un parcours du combattant pour notre professeur plus habitué à des amphis bondés d'étudiants qu'à l'hôpital où il aidera une aide-soignante à faire la toilette de son père.
C'est un roman du questionnement: comment se comporter face à nos parents vieillissants ? Comment accepter un handicap qui perturbe gravement notre communication avec les autres ? Comment s'occuper quand on ne travaille plus ? Comment appréhender la mort des proches ?
Heureusement, certains passages (qui sont comme des respirations dans le texte) sont très drôles. J'ai adoré le séjour que le héros va passer dans un "Center Park" de luxe où la piscine lui apparaît comme l'enfer sur Terre .(J'avoue que je partage assez son point de vue!)
"Le Tropical Waterword (était) un énorme dôme géodésique en plastique comprenant, le tout dans une atmosphère humide et surchauffée, un ensemble de piscines et d'attractions aquatiques de formes et de tailles différentes: canaux et tunnels labyrinthiques parcourus de puissants courants impulsés par des pompes, toboggans très coudés, glissoires tubulaires en spirale, et rapides blancs sculptés dans de la fibre de verre, qui tous commencent à l'air libre au sommet de la structure et descendent avec une force et une rapidité croissantes, d'abord dehors puis à l'intérieur des murs du dôme, pour se terminer brusquement dans un bassin profond tout en bas. L'endroit, bien que théoriquement consacré à la natation, est conçu pour vous empêcher de nager plus de quelques brasses dans quelque direction que ce soit. Le bassin principal est de forme tarabiscotée et il est impossible de savoir où est la longueur et où est la largeur, si bien que les gens nagent dans tous les sens et ne cessent de se cogner les uns aux autres; de temps en temps une machine invisible crée une grosse houle dans laquelle ils sont incapables de nager et ne peuvent que se laisser porter par les vagues comme les survivants d'un accident d'avion attendant dans la mer qu'on vienne leur porter secours, sauf qu'ils ne crient pas de peur mais de plaisir.
Changez la bande sonore, remplacez le rire et le badinage par des braillements et des hurlements, mettez un filtre rouge à l'objectif pour donner à ce spectacle un éclat rougeoyant, et vous vous croiriez dans une version moderne de L'Enfer de Dante, ou dans les Enfers dépeints par les peintres du Moyen-Age. Ces foules de gens à demi nus, ballottés par des vagues turbulentes ou déboulant à une vitesse terrifiante dans des tubes en spirale semi-transparents, ou dégringolant cul par dessus tête dans les rapides, s'étouffant dans l'eau, aveuglés par l'écume, tournoyant dans les tourbillons, renvoyés en arrière par une lame de fond, enchevêtrés les uns dans les autres, martyrisés et meurtris pour s'être heurtés aux parois en fibre de verre, et qui finissent par être rejetés en bas dans un puits bouillonnant, tout cela vous rappelle irrésistiblement ces images antiques de damnés, contraints à voir leur châtiment se répéter sans fin. Car, à peine les Gladeworlders sont-ils tombés au fond des rapides ou sont-ils recrachés à l'extrémité des tubes en spirale et se sont-ils extraits de l'eau , trempés et hébétés, qu'ils remontent docilement les escaliers qui serpentent entre les rochers artificiels et se joignent aux longues files de gens qui attendent dans les étages supérieurs que se libèrent les toboggans tubulaires, ou plongent dans le bassin fumant en plein air qui conduit aux rapides, pressés d'endurer la même terreur et la même douleur à nouveau."
Notre homme a donc un peu plus de soixante ans et doit s'occuper de son père, atteint de démence sénile. Reconnaître que celui-ci n'a plus sa tête, tenter de le convaincre de déménager dans un foyer-logement, maintenir coûte que coûte une relation affectueuse et respectueuse avec lui : c'est un peu un parcours du combattant pour notre professeur plus habitué à des amphis bondés d'étudiants qu'à l'hôpital où il aidera une aide-soignante à faire la toilette de son père.
C'est un roman du questionnement: comment se comporter face à nos parents vieillissants ? Comment accepter un handicap qui perturbe gravement notre communication avec les autres ? Comment s'occuper quand on ne travaille plus ? Comment appréhender la mort des proches ?
Heureusement, certains passages (qui sont comme des respirations dans le texte) sont très drôles. J'ai adoré le séjour que le héros va passer dans un "Center Park" de luxe où la piscine lui apparaît comme l'enfer sur Terre .(J'avoue que je partage assez son point de vue!)
"Le Tropical Waterword (était) un énorme dôme géodésique en plastique comprenant, le tout dans une atmosphère humide et surchauffée, un ensemble de piscines et d'attractions aquatiques de formes et de tailles différentes: canaux et tunnels labyrinthiques parcourus de puissants courants impulsés par des pompes, toboggans très coudés, glissoires tubulaires en spirale, et rapides blancs sculptés dans de la fibre de verre, qui tous commencent à l'air libre au sommet de la structure et descendent avec une force et une rapidité croissantes, d'abord dehors puis à l'intérieur des murs du dôme, pour se terminer brusquement dans un bassin profond tout en bas. L'endroit, bien que théoriquement consacré à la natation, est conçu pour vous empêcher de nager plus de quelques brasses dans quelque direction que ce soit. Le bassin principal est de forme tarabiscotée et il est impossible de savoir où est la longueur et où est la largeur, si bien que les gens nagent dans tous les sens et ne cessent de se cogner les uns aux autres; de temps en temps une machine invisible crée une grosse houle dans laquelle ils sont incapables de nager et ne peuvent que se laisser porter par les vagues comme les survivants d'un accident d'avion attendant dans la mer qu'on vienne leur porter secours, sauf qu'ils ne crient pas de peur mais de plaisir.
Changez la bande sonore, remplacez le rire et le badinage par des braillements et des hurlements, mettez un filtre rouge à l'objectif pour donner à ce spectacle un éclat rougeoyant, et vous vous croiriez dans une version moderne de L'Enfer de Dante, ou dans les Enfers dépeints par les peintres du Moyen-Age. Ces foules de gens à demi nus, ballottés par des vagues turbulentes ou déboulant à une vitesse terrifiante dans des tubes en spirale semi-transparents, ou dégringolant cul par dessus tête dans les rapides, s'étouffant dans l'eau, aveuglés par l'écume, tournoyant dans les tourbillons, renvoyés en arrière par une lame de fond, enchevêtrés les uns dans les autres, martyrisés et meurtris pour s'être heurtés aux parois en fibre de verre, et qui finissent par être rejetés en bas dans un puits bouillonnant, tout cela vous rappelle irrésistiblement ces images antiques de damnés, contraints à voir leur châtiment se répéter sans fin. Car, à peine les Gladeworlders sont-ils tombés au fond des rapides ou sont-ils recrachés à l'extrémité des tubes en spirale et se sont-ils extraits de l'eau , trempés et hébétés, qu'ils remontent docilement les escaliers qui serpentent entre les rochers artificiels et se joignent aux longues files de gens qui attendent dans les étages supérieurs que se libèrent les toboggans tubulaires, ou plongent dans le bassin fumant en plein air qui conduit aux rapides, pressés d'endurer la même terreur et la même douleur à nouveau."