Des mots devenus maux
Au départ, j'avoue que j'avais un a-priori défavorable: autant j'aime la poésie (en particulier René Char et Pierre Reverdy), autant les romans dont on définit le style comme poétique ont tendance à me "hérisser" l'intellect. C'est dire si la lecture du Petit Bonzi m'apparaissait comme un terrain miné. Et bien non, j'ai été sensible au sort de Jacques Rougeron, un petit garçon que la vie, mauvaise fille, a affublé d'un bégaiement qui sape toutes ses possibilités de communication avec les autres. Les mots sont ses ennemis et Sorj Chalandon les personnalise avec beaucoup d'originalité et de sensibilité.
Le héros s'imagine, au début du roman, qu'il va lui suffire de dénicher des herbes "magiques" pour guérir. Il essaie toutes les plantes possibles, toutes les décoctions que son imagination et son envie de parler comme tout le monde lui suggèrent et un jour, il croit avoir trouvé la recette pour que les mots lui obéissent:
"D'un coup, un matin, comme ça, il n'a plus craint les consonnes, ni les voyelles, ni les syllabes, ni rien. Ses mots étaient en fête, en propre, en habits du dimanche, élégants, soyeux, fiers, ils flânaient dans des phrases si vastes qu'ils y marchaient de front. La tempête était apaisée. Elle avait quitté son souffle. Chaque mot attendait de dire. Il patientait en gorge comme on rêve au salon.Presque, il a failli jeter son dictionnaire des synonymes. Le détruire, le brûler, le saccager, l'envoler page à page comme des feuilles mortes. En faire des avions, des aérodynes, des aéronefs, des aéroplanes, des fusées, des missiles, des boulettes, des boules, des balles, des billes, des bulles, des globes, des sphères. Faire taire ces mots pour rien, ces mots appris par coeur, tous ces mots de rechange quand un mot bègue en lèvres."
Le héros s'imagine, au début du roman, qu'il va lui suffire de dénicher des herbes "magiques" pour guérir. Il essaie toutes les plantes possibles, toutes les décoctions que son imagination et son envie de parler comme tout le monde lui suggèrent et un jour, il croit avoir trouvé la recette pour que les mots lui obéissent:
"D'un coup, un matin, comme ça, il n'a plus craint les consonnes, ni les voyelles, ni les syllabes, ni rien. Ses mots étaient en fête, en propre, en habits du dimanche, élégants, soyeux, fiers, ils flânaient dans des phrases si vastes qu'ils y marchaient de front. La tempête était apaisée. Elle avait quitté son souffle. Chaque mot attendait de dire. Il patientait en gorge comme on rêve au salon.Presque, il a failli jeter son dictionnaire des synonymes. Le détruire, le brûler, le saccager, l'envoler page à page comme des feuilles mortes. En faire des avions, des aérodynes, des aéronefs, des aéroplanes, des fusées, des missiles, des boulettes, des boules, des balles, des billes, des bulles, des globes, des sphères. Faire taire ces mots pour rien, ces mots appris par coeur, tous ces mots de rechange quand un mot bègue en lèvres."