Les cerfs-volants de Kaboul de Khaled Hosseini
Je viens de terminer la lecture de ce roman et je suis encore profondément émue. L'histoire d'Amir et d'Hassan, leur enfance en Afghanistan dans les années 70 et leur destin tragique vont, je crois, me poursuivre longtemps.
Le récit est celui d'Amir, fils d'un homme d'exception, riche commerçant et âme généreuse. Il est difficile pour le héros d'être à la hauteur des attentes d'un tel père . L'occasion va lui être donnée, l'année de ses douze ans, lors du concours annuel de cerfs-volants, de briller aux yeux de celui-ci, mais cela se fera au prix d'une terrible trahison : il va abandonner Hassan aux mains d' adolescents barbares. Sa vie va basculer à ce moment, il rentre dans les grâces de son père mais le payed'une culpabilité qui le rongera jour après jour.
Bien plus tard, il lui sera donné de se racheter: il devra quitter les Etats-Unis pour plonger dans l'Afghanistan des talibans et s'acquitter de sa dette envers Hassan. C'est une magnifique histoire de culpabilité et de rédemption. C'est aussi un aperçu historique très juste de ce pays, qui occupe tous les médias ces derniers jours mais que je connaissais très peu.
J'ai beaucoup aimé ce passage du roman où Amir et son père fuient leur pays après l'invasion russe. Ils fuient clandestinement et doivent supporter un trajet, cachés dans une citerne essence vide. Pour lutter contre l'odeur, le confinement, la peur, son père recommande à Amir de se souvenir d'un moment heureux et Amir repense à Hassan:
"Quelque chose d'agréable. D'heureux. Je laissai vagabonder mes pensées, jusqu'à ce qu'une scène me revînt à l'esprit.
Un vendredi après-midi à Paghman. Un champ vert pomme ponctué çà et là de mûriers en fleur. Je suis avec Hassan au milieu d'herbes folles qui nous arrivent aux chevilles. Je tire le ligne, la bobine se dévide entre ses mains calleuses et nous suivons du regard le cerf-volant dans le ciel. Nous n'échangeons pas un mot, non parce que nous n'avons rien à nous dire, mais parce que cela n'est pas nécessaire. Ainsi en va-t-il entre deux êtres quand chacun a été le premier à marquer la mémoire de l'autre. Des êtres nourris au même sein. L'herbe ondoie sous la brise. Hassan laisse filer la ligne et le cerf-volant tournoie, plonge, se stabilise enfin. Nos ombres jumelles dansent au sol. Derrière le muret en brique, à l'extrémité du champ, s'élèvent des rires, des conversations, ainsi que le clapotis d'une fontaine. Et aussi de la musique-un vieil air familier, peut-être Ya Mowlah, joué par un rubab. Quelqu'un nous crie nos noms par-dessus le muret, c'est l'heure du thé.
Impossible en revanche de me rappeler à quel mois, ni même à quelle année remontent ces instants. Je savais juste que ce souvenir vivait en moi, tel un morceau parfaitement préservé d'un passé radieux, une touche de couleur sur la toile grise et désolée qu'étaient de venues nos vies."
Merci à Philippe, mon ami libraire de chez Gwalarn de m'avoir prêté "ce bijou tragique" selon la formule du magazine Lire.