La Casati ou La Peretti ?
La lecture de "nous vieillirons ensemble ", un des précédents romans de l'auteur m'avait enthousiasmée. Mon attente était donc grande en entamant cette "biographie" de La Casati, figure flamboyante du début du XXème siècle, ma déception est à la hauteur des espoirs placés, elle est totale.
Camille de Peretti a choisi d'établir en permanence un lien, un va et vient entre son existence et celle de Luisa , marquise de Casati. Elle veut jouer du contraste entre son aspect posé, raisonnable et la démesure de son "personnage". Je n'ai rien contre Camille de Peretti mais je pensais entrer dans l'intimité d'une femme peinte ou photographiée par les plus grands : Picasso ou Man Ray, je n'imaginais pas connaître les détails de la vie amoureuse de l'auteur et ses règlements de compte via la littérature avec son ex-mari. Imaginez que Dame Armande se lance dans le récit de la vie mouvementée de Victor Hugo et interrompe sa narration pour vous dévoiler sa recette des crêpes, son premier flirt, ses plantes préférées et sa liste d'en-cours en broderie et tricot !
Je m'attendais aussi à un travail d'écriture basé sur des recherches documentaires, le portrait d'une aristocrate excentrique avec en fond un arrière-plan historique solide. Ce n'est pas l'angle choisi par l'auteur qui fait de La Casati son personnage. Elle revendique ce parti-pris au début du livre : "C'est mon personnage, c'est mon trésor. J'ai le droit de lui faire dire ce que je veux". Effectivement Luisa Casati devient pour l'auteur un être de papier et d'encre, sa Luisa, sa marquise. Les déterminants possessifs nous rappellent sans cesse qu'il s'agit de sa créature. Moi, j'aurais aimé connaître Luisa Adele Rosa Maria Amman, cette jeune fille née dans une riche famille italienne, qui vécut de manière extravagante et marqua les esprits par son goût du luxe, de la fête, son art de se mettre en scène. Il me semble qu'une nécessaire distance doit s'établir entre un écrivain et la personne qu'il souhaite nous faire découvrir. Qu'il y ait des accointances entre les deux, cela me paraît logique mais l'un, l'auteur, doit s'effacer pour permettre à l'autre, la personne décrite, d'être dans la lumière.
Camille de Peretti nous offre une Casati fantasmée, une rêverie autour des tableaux et des photos qui la représentent. Elle nous détaille avec minutie les tenues, les déguisements de l'aristocrate italienne. J'ai regardé moi aussi ces portraits sur Internet et il est indéniable de cette femme aimante les regards. Maintenant, ce sont là aussi des masques et s'ils sont décrits sous toutes les coutures, ils ne sont pas ôtés pour autant. Camille de Peretti ne semble pas vouloir approfondir son sujet : elle nous promène de ville en ville, au gré des pérégrinations de La Casati, s'arrête sur quelques soirées et laisse son imagination développer des scènes à la limite du cliché, se fâche contre ceux qui n'ont pas su apprécier "sa" Luisa". J'appartiens à ces fâcheux qui trouvent que confisquer une personne, c'est assez égoïste. Camille de Peretti termine ainsi son livre. Elle est penchée sur la tombe de Luisa Casati :"Je me suis agenouillée dans le parfum de l'herbe fraîche. J'ai été prise d'un sentiment de reconnaissance. Te voilà, donc, ma Luisa, mon trésor, mon personnage".
Elle a trouvé son personnage. Moi, je pensais trouver dans ce livre La Casati, j'ai eu à la place La Peretti.
Erreur de casting...