"Un oiseau furtif à la gorge de braise"
Certaines lectures sont plus exigeantes que d'autres. Il m'aura fallu plusieurs semaines pour apprivoiser la prose imagée de Didier Jourdren et son questionnement sur un mode itératif. L'auteur tient son "journal de bord" où il transcrit ses impressions sur quelques pommes qui à l'automne restent accrochées aux branches hautes d'un arbre et la venue quotidienne d'un rouge-gorge sur sa terrasse.
Ses observations l'amènent à une réflexion sur son rapport au monde, sur la place voire la trace de chaque homme sur Terre. Le lecteur doit s'armer de patience (surtout s'il a mon tempérament !) pour accepter le rythme imposé : ce n'est que peu à peu que les idées apparaissent, se précisent, s'affinent.
Avant d'imiter l'oiseau et de m'envoler une quinzaine de jours loin de la blogosphère, je vous offre ce passage, un parmi tant d'autres que j'ai notés dans ce livre ardu mais d'une grande richesse.
Mais à présent, on se sent éloigné, sans en être désolé cependant. Cela a eu lieu, que l'on n'a pas su dire de façon juste, on a habité un moment, une saison, guidé par un arbre, un oiseau, un monde un peu plus clair, un peu moins assuré, ou moins faussement sûr et reconnaissable. On ne saisit pas ce qui nous éveille et nous bouleverse, on est appelé, mais la distance demeure, qui est respiration. Chaque instant est plénitude et disparition, comble et délaisse. On a été interpellé tout un automne et tout un hiver par un pommier et par un rouge-gorge, on a répondu, sinon par des paroles assurées, par une présence fidèle et scrupuleuse, tâchant d'approcher pour mieux accueillir, pour mieux voir, apprenant aussi, sans le savoir, à laisser partir, échapper, et à demeurer au loin. On n'habite pas un arbre, on n'attrape pas un oiseau ! Rien ne se laisse saisir, il faut consentir à ouvrir les mains.
Merci Gwen pour cette découverte : ce petit rouge-gorge méritait de voyager !