La sorcière de Salem de Elizabeth Gaskell
Quel bonheur que de redécouvrir les éditions José Corti et les feuilles qu'il faut détacher au coupe-papier ! Evidemment,Isil a eu ce menu plaisir... Moi, j'ai juste feuilleté un roman à l'aspect sortant de l'ordinaire,et cela a suffit à me contenter. Le livre, dans ce cas, n'est plus un simple produit manufacturé mais gagne une dimension artisanale qui en fait une pièce unique.
Ainsi une "sorcière de Salem" est arrivée dans le Trégor, ma terre d'adoption. La Bretagne est réputée pour ses légendes et son ancrage religieux mais je crois que la Nouvelle-Angleterre dépeinte dans ce roman est bien plus fanatique et cruelle que ma région ne l'a jamais été.
1691, Loïs Barclay, dix-huit ans, orpheline, doit quitter sa petite ville de Barford en Angleterre et rejoindre un oncle qu'elle ne connaît pas à Salem dans cette Amérique dont elle ignore tout. Cela fait beaucoup d'inconnu pour notre héroïne, déjà éprouvée par le décès de sa mère.
Elle va tomber de Chrarybde en Sylla, de l'accueil glacial de sa tante à celui trop chaleureux de son cousin, qui voit en elle sa promise. Elle va surtout être en butte à une communauté de Puritains qui voit le Mal partout. La première victime sera une servante indienne accusée d'avoir ensorcelé les deux filllettes du pasteur qui l'emploie. L'hystérie collective fera rapidement d'elle une sorcière et la malheureuse sera pendue.
Loïs connaîtra le même sort, son tort selon ses juges : être responsable des crises de "démence" de sa jeune cousine Prudence ! Celle-ci avouera plus tard avoir simulé pour le "malin" plaisir de faire condamner la jeune fille.
"Quelqu'un connaît-il Loïs Barclay ? D'après cette pauvre enfant, c'est elle qui l'a ensorcelée .
La réponse survint plus d'un acte que d'un mot, quoiqu'un faible murmure ait surgi de plusieurs. Mais tous reculèrent, aussi loin qu'il était possible dans une telle foule, de l'endroit où se tenait Loïs. Ils la regardèrent avec surprise et horreur. Un espace de quelques pieds, impensable une minute avant, fut laissé à Loïs, seule debout; tous les regards étaient fixés sur elle, remplis de haine et d'effroi. Elle se tenait fixe, incapable de prononcer un mot, muette d'étonnement, comme dans un rêve. Elle, une sorcière, maudite comme l'étaient les sorcières devant Dieu et l'homme !"
Cette histoire, qui s'appuie sur des faits réels, m'a intéressée : elle démontre, s'il en est encore besoin, jusqu'où peuvent mener le repli communautaire et le fanatisme religieux...